L'harmonisme rationnel

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Pourquoi promouvoir ce concept ?

Une voie vers l'harmonie

- Quelle idée de promouvoir une nouvelle philosophie ? Celles qui existent ne suffisent-elles pas ? N'y a-t-il pas déjà suffisamment de termes en « isme » ? N'est-ce pas là participer à la division ? L'important n'est-t-il pas plutôt de pratiquer ?

Oui, l'important est de pratiquer, et l'harmonisme a ceci de particulier qu'il se réduit à une pratique. Il n'y a pas de croyance, contrairement aux religions, ni même de vision du monde particulière comme dans la plupart des philosophies, ceci de façon à favoriser la pratique, justement. Ainsi, on ne peut pas se dire « harmoniste » sous prétexte que l'on croirait en certaines choses, que l'on respecterait certains rites etc. être harmoniste, c'est travailler concrètement à plus d'harmonie (en soi et dans le monde), le concept d'harmonie étant précisé ici (sinon, c'est trop vague, bien entendu). On peut penser qu'avec une telle philosophie la fameuse « pratique » (celle qui sert vraiment !) sera plus présente...
Ensuite, c'est bien beau de parler de pratique, mais il faut d'abord savoir quoi pratiquer, toutes les philosophies n'induisent pas les mêmes pratiques et beaucoup sont contestables. L'harmonisme se caractérise par une pratique particulièrement cohérente et positive. Beaucoup de gens justifient leur religion en disant qu'elle demande de faire des choses « harmonieuses », comme ne pas tuer, s'aimer les uns les autres etc. Ce faisant, ils oublient souvent de préciser que leur religion comporte également d'autres points moins « harmonieux »(1), ayant entraîné bien des nuisances. On peut dire de l'harmonisme qu'il consiste à ne retenir que les points harmonieux. On ne peut justifier un tout au moyen d'une de ses parties, il faut prendre en compte l'ensemble. Cette justification de sa religion par ses avantages harmonieux sous-entend d'ailleurs une éthique supérieure (pour pouvoir la juger ainsi)... L'harmonisme ?

Ensuite, le problème n'est pas l'utilisation d'un terme en « isme », mais le contenu de certains termes en « isme » correspondant à des idéologies ayant induit un certain sectarisme. L'harmonisme s'oppose à toute forme de sectarisme, par construction (ce n'est pas là qu'une déclaration gratuite). L'utilisation d'un mot peut être utile pour favoriser une pratique, permettant de mieux la reconnaître, la faire connaître etc. Or, le suffixe « isme » signifie, entre autres choses, une pratique (végétarisme, cyclisme etc.) Le problème n'est pas le mot « fascisme », par exemple, mais ce qu'il désigne... Il faut se garder de faire l'amalgame.
L'harmonisme consiste à rechercher l'harmonie. Vouloir imposer quelque chose, par exemple, n'est pas source d'harmonie, donc, un harmoniste ne cherchera pas à imposer quoi que ce soit. Il est vrai qu'une tendance humaine consiste à former des camps, à défendre aveuglément un parti, et qu'il pourrait donc être tentant pour certains de défendre aveuglement l'harmonisme. Mais cela pourra être rapidement dénoncé, puisque cette attitude est explicitement et logiquement incompatible avec l'harmonisme. En ce sens, l'harmonisme ne saurait participer à la division. La division n'est pas la diversité... Cette philosophie se présente comme une voie supplémentaire permettant ainsi à plus de personnes de mieux se comporter, en ne pratiquant pas la division, justement.

L'harmonisme n'a pas la prétention de s'imposer à la terre entière. C'est juste une philosophie qui me convient. Je l'explicite et la fais connaître pour le cas où elle pourrait servir à d'autre. Il est vrai qu'elle me semble pouvoir satisfaire un grand nombre d'autres personnes (par son caractère assez universel), mais cela n'est qu'une possibilité. Il se fait également qu'elle est de nature à contribuer à une forte réduction de la souffrance dans le monde, d'où une motivation supplémentaire à sa présentation.
En fait, ne me reconnaissant pas vraiment dans les philosophies existantes (que je connais, du moins), j'ai simplement essayé d'en dégager une qui me convienne vraiment. Et j'invite chacun à faire de même plutôt qu'à suivre hâtivement une tradition (que ce soit par conformisme ou excès d'enthousiasme). Il n'y a dans ma démarche aucune prétention, ni désir d'originalité particuliers. Si une philosophie existante me convenait parfaitement, je n'aurais pas eu besoin de formuler autre chose. Cela dit, je ne saurais prétendre tout connaître, et peut-être cette philosophie existe-t-elle déjà sous un autre nom. Mais dans ce cas, vu que je me suis tout de même un peu renseigné, elle n'est clairement pas assez connue. La faire connaître, et même lui donner un autre nom, plus adapté, me semblerait alors être une bonne chose... En somme, je me contente d'agir dans le sens qui me semble être le meilleur tout en étant prêt à collaborer ou à changer d'avis en fonction de nouvelles informations.

Un intérêt de nommer cette philosophie est que lorsqu'on me demande mon éthique ou ma confession (comme cela est fréquent dans certains pays), j'ai envie de répondre quelque chose de positif, qui décrit ce que je fais et non pas de me décrire uniquement de façon négative ou vague par des termes comme « athée » ou « humaniste ». Le problème est que le concept d'humanisme ne désigne pas une éthique précise, mais se définit souvent en opposition aux approches religieuses, ce qui n'est guère constructif. De plus, ma philosophie ne se réduit pas, loin s'en faut, à des idées comme « l'homme est la mesure de toutes choses », ni même à « faire le bien » (ce qu'évoque le concept d'humanisme, en général).
Elle gagnerait d'autant plus à être affirmée qu'elle se distingue également de la philosophie de fait de la plupart des gens (surtout chez les athées) : l'hédonisme primaire ou matérialisme psychologique. Ce comportement me semble être assez nuisible pour les générations futures, et l'harmonie dans les rapports humains. D'où l'intérêt de promouvoir une alternative à un tel comportement.

Ensuite, même en ce qui concerne les attitudes véritablement éthiques, il y a un manque d'harmonie. On pourra considérer, par exemple, qu'il est bien de dénoncer les criminels, et aussi qu'il est mal de balancer des amis; or, ces deux considérations peuvent conduire à des tiraillements (si j'ai des amis criminels).... Cela vient du fait que l'éthique concrète de la plupart des gens découle d'un conditionnement culturel, et se traduit par un jugement sur des comportements (« ceci est mal, cela est bien »). Tout cela est évidemment très arbitraire et superficiel.

Une autre point à prendre en compte est le fait que les termes désignant les différents courants de pensées (philosophies, religions etc.) sont assez « élastiques » dans leur signification. Ils ne recouvrent pas une pensée homogène. En particulier, les gens ont tendance à avoir une définition exagérément positive ou négative d'un terme désignant un courant de pensée, selon qu'ils se revendiquent de ce dernier ou y sont hostiles. Cela ne facilite pas la compréhension mutuelle et donc l'harmonie. D'où l'intérêt de créer un concept précis et adapté (comme je le fais ici), plutôt que me « reconnaître » abusivement dans un courant existant, et ajouter ainsi à la confusion (par une nouvelle acception d'un même terme). Un point important de la pratique harmoniste rationnelle consiste à définir les choses d'une façon suffisamment précise, simple et fixe. Cela permet de mieux se comprendre, et d'avoir une pensée plus performante.

Pourquoi les autres philosophies ne me conviennent pas

Je voudrais expliquer maintenant, pourquoi je ne me reconnais pas dans les philosophies existantes, et en particulier dans celles à caractère religieux.
Commençons par définir les termes.

Qu'est-ce qu'une philosophie ? Ce terme a à l'origine plusieurs sens, car « sophia » désignait chez les grecs anciens aussi bien « sagesse » que « savoir ». Le philosophe était quelqu'un s'adonnant à la pensée désintéressée par opposition à un marchand, un guerrier, un politicien etc. Au fil du temps, au fur et à mesure que s'élargissait cette activité, un certain nombre de disciplines se sont détachées de la philosophie, dont les sciences, la littérature, les mathématiques etc. de sorte qu'il n'est resté que deux choses : une discipline centrée sur le maniement verbal de concepts abstraits (ce que l'on appelle de nos jours, la philosophie), et l'attitude consistant à pratiquer une sagesse (une façon consciente de conduire sa vie), on parle alors d'une philosophie.
C'est bien sûr dans ce dernier sens que l'harmonisme est une philosophie. Le terme sagesse serait donc plus approprié, s'il ne véhiculait pas quelques connotations supplémentaires. Il en est de même des termes « éthique » et « morale »...

La notion voisine de religion a, quant à elle, une autre origine. La religion désigne un ensemble de pratiques et de croyances propres à un peuple (ou une tribu), généralement axées sur l'adoration d'entités surnaturelles (dieux, esprits etc.). Ainsi, elle s'oppose historiquement à la philosophie qui est plus une réflexion libre et critique qu'une pratique traditionnelle. Mais ces deux notions se rejoignent dans la mesure où les religions se sont de plus en plus accompagnées de sagesse et de concepts plus abstraits. En somme, il y a forcément, au fil du temps, influence mutuelle entre tradition et réflexion.
Il me semble donc plus pertinent de considérer le concept de philosophie religieuse, que nous définirons comme une philosophie (qu'elle soit institutionnalisée ou pas), dans laquelle un « principe supérieur » est invoqué et joue un rôle important dans la conduite de la vie des adeptes. Ainsi, le platonisme (et surtout le néo-platonisme) peut être considéré comme une religion à cause du « monde des idées », et même le stoïcisme, où la « raison » et le destin jouent le rôle d'un principe supérieur. À l'inverse, le bouddhisme, du moins sous sa forme la plus épurée, ne serait pas une philosophie religieuse.

Prenons l'exemple de la philosophie la plus répandue dans le monde, qui se trouve être une religion, le christianisme (2,3 milliards d'individus). La définition en est claire : c'est la croyance qu'un certain prophète était le messie annoncé par les textes juifs. Le christianisme est donc une branche dissidente du judaïsme, et suppose à ce titre un certain nombre de croyances précises. Avant d'être une pratique, c'est donc, comme toutes les religions, un ensemble de croyances.
Moins spécifiquement, cette philosophie traditionnelle, comme beaucoup d'autres (zoroastrisme, hindouisme, islam etc.), implique la croyance en une entité créatrice de l'univers, appelée Dieu.

Personnellement, cela ne peut me convenir à cause de ma pensée très « rationnelle ». Je développe plus en détail mes réflexions sur l'existence de Dieu (ou plutôt son inexistence) ici . Disons simplement que la notion de créateur implique celle d'être doué d'une intention, chose qui a priori ne concerne que l'homme et certains animaux. Or, de tels êtres ne sont que des éléments infimes localisés dans l'univers. Qu'un être de cette nature se retrouve au niveau de la création de l'univers me paraît pour le moins singulier....

Plus généralement, fonder une philosophie sur une croyance, une vision du monde, me semble être gênant, car une telle vision peut toujours être remise en cause par des découvertes ultérieures (ou au contraire, on va s'opposer à certaines découvertes par attachement à sa philosophie). C'est un peu figer inutilement les choses. Et l'on voit bien qu'historiquement la religion s'est souvent opposée aux progrès de la science (par exemple, en menaçant du bûcher quiconque osait contester les saintes écritures). Cela est une conséquence naturelle de toute croyance émanant d'un attachement...
Bref, on l'aura compris l'harmonisme ne saurait reposer sur une croyance ou même une vision du monde, et de ce fait, pourrait rassembler un plus grand nombre de personne (d'où plus d'harmonie). Cette caractéristique est tout de même assez originale, car rares sont les philosophies n'impliquant pas une vision du monde particulière. En particulier, l'harmonisme ne saurait être une philosophie religieuse (l'existence d'un principe supérieur relève d'une vision du monde particulière).
Cela signifie que l'on peut parfaitement être croyant et harmoniste... (même si, on l'aura compris, en ce qui me concerne, je suis athée, au sens où je me dispense du concept de dieu, trop problématique selon moi).

Une vision du monde peut toutefois être justifiée en tant que source de bien-être, ou motivation pour mieux se comporter.
Ainsi, la croyance en Dieu a quelque chose de réconfortant, cela humanise le monde, lui donne un sens, cela satisfait également notre besoin de maître, nous évitant le stress d'avoir à décider par nous-mêmes, l'angoisse dont parle Sartre (d'où des doctrines comme l'augustinisme, où tout est décidé par Dieu, même notre salut). Il y a une jouissance dans la soumission. La croyance en un prolongement de la vie après la mort satisfait évidemment notre instinct de survie. À l'évidence, les croyances religieuses satisfont plus un besoin affectif qu'un désir de compréhension purement intellectuelle. Là est sans doute la différence avec la démarche scientifique.
À l'inverse, une vision matérialiste du monde (purement mécanique sans « transcendance ») avait été avancée par des philosophies antiques (l'épicurisme, le sharvaka...), comme un moyen de se libérer de la peur des dieux, des fantômes, d'éviter des sacrifices inutiles (tel celui d'Iphigénie), d'apporter une certaine sérénité ! Quant au problème de la mort, les Épicuristes le règlent en disant que la mort ne saurait être un problème puisque avant, elle n'est pas là, et qu'après on n'en n'a pas conscience. Un autre exemple de vision du monde originale est celle des religions indiennes, où le cycle des réincarnations (présupposées) est perçu négativement (à cause de la souffrance) et où il est question de s'en libérer en mourant réellement, en quelque sorte (« nirvana » signifie extinction). Comme quoi, tout est relatif !
Agir directement sur son bien-être, plutôt qu'indirectement via une croyance me semble préférable, plus « adulte ». Ainsi, on peut tempérer sa peur de la mort, son besoin d'un maître etc. plutôt que croire en sa survie ou en l'existence d'un maître pour satisfaire son besoin. Alors, notre bonheur n'est plus tributaire de ce qui ne dépend pas que de nous (comme, par exemple, une vision honnête du monde). De plus, il n'est pas difficile de se rendre compte que ce qui fait notre bonheur est fondamentalement en nous-mêmes. À supposer que Dieu existe, qu'est-ce qui m'obligerait à le suivre ? s'il me demandait de mal me comporter, n'y aurait-il pas quelque chose en moi-même me portant vers le bien malgré tout, et donc, à lui désobéir ? Ai-je donc tant besoin que ça de ce maître ? L'harmonisme repose sur quelque chose qui se trouve en nous-mêmes, en-deça de toute conceptualisation, l'amour (altruiste). En cultivant suffisamment ce dernier, on en tire un certain bonheur sans avoir besoin d'aucune croyance.
En pouvant ainsi différencier clairement ce qui relève de la connaissance de ce qui relève de l'éthique, on évite des interférences nuisibles pour l'une comme pour l'autre.

À ce titre, on pourrait être tenté de rapprocher l'harmonisme du confucianisme, souvent présenté comme une pure éthique. Tout d'abord, cela n'est pas tout à fait exact, car on retrouve dans cette philosophie une sorte de sacralisation d'un ordre cosmique. Ensuite, l'harmonie dont il est question dans le confucianisme passe par la soumission aux hiérarchies traditionnelles ! Il s'agit donc plus de maintenir une certaine paix sociale, qu'une véritable harmonie au sens où nous l'entendons ici.

Une autre caractéristique de nombreuses philosophies traditionnelles est de faire miroiter un salut personnel. Les gens sont incités à se comporter d'une certaine façon parce qu'ainsi, ils pensent obtenir quelque chose de particulièrement désirable (ou au contraire, éviter quelque chose de particulièrement effrayant). Il s'agit bien sûr du paradis (une vie agréable et éternelle) pour quiconque fait acte de foi ou se conforme à quelques commandements, mais aussi, de l'extinction définitive de toute souffrance (dans le bouddhisme, par exemple). D'une façon général, ces philosophies détournent l'homme de ses tendances habituelles (certes pas toujours très harmonieuses) en l'installant dans un super-désir, qui va généralement consister à s'éloigner de la matière, jugée méprisable, du monde d'ici-bas, pour s'élever vers les cieux, la lumière, s'unir à Dieu etc. (on parle alors de mysticisme). C'est la dichotomie manichéenne (la religion de Mani), entre le bien et le mal. Par la même occasion, l'individu se trouve propulsé dans une aventure épique, fabuleuse, qui donne sens à son existence. Cela est plutôt agréable... Cela fonctionnera d'autant mieux, qu'il s'agira de se référer à des sources mystérieuses, anciennes, plus ou moins obscures... avec juste ce qu'il faut de vérités évidentes ou vraisemblables pour nous convaincre de la validité du tout, et nous inciter à poursuivre la quête du saint Graal.
Outre que, comme nous l'avons vu, cela est incompatible avec une certaine rigueur scientifique, il y a là une forme de manipulation qui n'a pas manqué de servir des pouvoirs, que ce soit celui d'une oligarchie en place ou de quelque « prophète » autoproclamé...

L'harmonisme propose bien, tout comme la plupart des philosophies, un moyen d'être plus heureux, plus serein. Simplement, il ne s'agit pas de quelque chose d'extraordinaire, de surnaturel, d'absolu, dont la quête s'avère généralement perpétuelle. N'est pas promise la panacée, mais quelque chose de tout de même intéressant, obtenu plus sûrement et rapidement. Surtout, la solution est clairement explicitée, sans le moindre mystère et ne nécessite pas de se référer durablement à quelque grimoire, clergé ou expert...
Prenons l'exemple du bouddhisme, philosophie proche de l'harmonisme rationnel, et où le phénomène "mystère" et "clergé" est moins prononcé que dans la plupart des autres religions. La doctrine bouddhiste repose sur des affirmations discutables : tout serait souffrance (tout ?), le désir en serait la cause (toujours ? la seule ?) et il suffirait de pratiquer « l'octuple sentier » pour atteindre un bonheur absolu, « libération définitive » de tout. On ne peut pas parler de croyance dans le bouddhisme (du moins sous sa forme la plus éthérée). Le bouddha, en effet, propose simplement un moyen d'atteindre l' « éveil », en nous demandant d'essayer pour voir si ça fonctionne. Mais il n'indique pas de délai... de sorte que l'on peut continuer la pratique longtemps (compte tenu de l'enjeu), et de fait, bien peu de pratiquants atteignent le fameux eldorado. Quel pourcentage ? Au bout de combien de temps ? Il semble qu'il faille souvent attendre plusieurs vies (pas de croyances?) Certes, ils obtiennent sans doute quelques résultats encouragants en cours de route, qui les maintiennent sur la voie, et peut-être s'agit-il là d'une mystification similaire à celle du laboureur envers ses enfants (dans la fable de de La Fontaine). Je préfère la lucidité.

De ce point de vue, l'harmonisme est assez proche de l'épicurisme, philosophie fondée sur la quête d'un certain équilibre, la recherche du bonheur, dans une certaine simplicité de vie, ou sobriété heureuse (comme aurait dit Pierre Rabhi). Épicure vivait en communauté (configuration potentiellement plus harmonieuse) avec quelques amis, s'abstenant de participer à la course à l'argent, aux honneurs, et à quelque débauche que ce soit (un épicuriste n'est pas épicurien). La principale différence d'avec l'harmonisme est que ce dernier vise une harmonie plus étendue, avec une éthique plus précise. Il est orienté vers un bien commun s'étendant à l'humanité entière (au moins), même s'il y est également question de commencer à échelle réduite, en proportion de ses propres capacités. La compassion y est plus centrale et universelle (rejoignant en cela le bouddhisme).

L'harmonisme est également proche de l'utilitarisme. Ce dernier est une éthique consistant à rechercher « le plus grand bonheur possible du plus grand nombre possible ». Cette éthique se trouve être particulièrement incomprise dans le monde francophone (2). Elle y est parfois confondue avec un égoïsme vulgaire : « je fais ce qui m'est utile ! » alors qu'elle est évidemment opposée à l'égoïsme. En effet, la contribution du bonheur de l'utilitariste à celui du « plus grand nombre » est évidemment très faible... C'est une éthique ne pouvant guère se fonder que sur un amour universel...
Elle pose toutefois un certain nombre de problèmes techniques. Elle pourrait conduire à favoriser une distribution inéquitable des bien-être (si c'est, du fait de circonstances particulières, ce qui en maximise la somme). Ce n'est pas forcément la solution la plus harmonieuse. D'où une différence avec l'harmonisme. L'harmoniste aura bien tendance à maximiser la somme des bonheurs, mais en s'interdisant des distributions qui seraient trop inéquitables. Une solution peut être de maximiser le bonheur le plus faible, solution que l'on peut juger plus « solidaire »(3). En fait, l'harmonisme ne précise pas plus avant la méthodologie, de façon à conserver une certaine souplesse, une certaine applicabilité..

Les définitions n'étant que des conventions pouvant fluctuer, on pourrait parfaitement décider de fusionner ces deux philosophies (harmonisme et utilitarisme). Resterait alors que l'appellation « utilitarisme » étant plutôt malheureuse ("utile" à quoi ?), celle d'harmonisme pourrait avantageusement s'y substituer (utile à l'harmonie !)... d'où l'intérêt, en tout état de cause, de promouvoir ce nouveau concept...

Cet inventaire de quelques philosophies existantes voisines de l'harmonisme n'a pas pour vocation de les dénigrer, mais seulement d'expliquer mon choix de qualifier ma philosophie autrement. Chacun doit être libre de suivre la philosophie de son choix, qu'elle ait déjà été clairement nommée ou pas. Les « divisions » éventuelles proviennent plus d'un attachement infantile à une chapelle, d'une projection égotique sur un mot ou un groupement (dont on se considère membre) que du simple fait de définir les choses avec précision et de se reconnaître plutôt dans ceci ou dans cela. Il y a division, polémique stérile, lorsque l'on fait passer la défense de ceci ou de cela avant la rigueur, l'authenticité et la cohérence de son propre discours. L'harmonisme visant une harmonie profonde, et non pas seulement superficielle, ne consiste pas à ne dire que du bien de tout le monde pour ne pas se fâcher, cela manquerait nécessairement de cohérence (on ne peut être d'accord avec tout le monde). De plus, ce qui me satisfait n'a aucune raison de satisfaire tout le monde : pas question d'imposer quoi que ce soit.
Rappelons que l'harmonisme n'est pas forcément exclusif de toute autre philosophie. D'autant plus que beaucoup de philosophies consistent plus dans une façon de voir les choses que dans une éthique précise. C'est le cas typiquement de l'existentialisme, qui consiste à se percevoir comme radicalement libre de ses propres choix, il ne dit donc rien concernant la nature de ses choix. Je peux décider d'opter pour l'harmonie... De même, à l'inverse, je peux croire en un Dieu, qui m'inviterait à travailler à plus d'harmonie autour de moi, à « aimer mon prochain ». Un harmonisme chrétien ne serait peut-être pas tout à fait « rationnel », mais contribuerait tout de même l'allègement de la souffrance. Si par contre, mon Dieu me demande de convertir tout le monde, me dit que tous ceux qui ne croient pas en lui sont dans l'erreur, on ne peut plus parler d'harmonisme...
Pour un harmoniste, le comportement effectif est plus important que la croyance. Ce qui compte est le résultat avant les moyens.

Une autre éthique

L'harmonisme est une éthique radicalement différente des autres, et ce pour une première raison fondamentale. Les éthiques (ou « morales ») visent à définir ce qui est bien et ce qui est mal (même l'utilitarisme). Il s'agit de porter un jugement de valeur. Or, l'harmoniste rationnel refuse cela comme présentant une certaine absurdité et une certaine violence. En effet, a priori, rien n'est bien ou mal en soi, mais seulement approuvé ou réprouvé, aimé ou haï, souhaité ou refusé, par telle ou telle personne. En disant simplement d'une chose qu'elle est bonne ou mauvaise, on fait paraître comme une propriété objective ce qui est en réalité subjectif, et donc, nécessiterait de préciser un sujet (celui qui souhaite ou refuse). D'où l'escroquerie intellectuelle, d'où la violence, car la chose est en quelque sorte imposée (comme le serait une vérité, qu'elle n'est pas). Ainsi, un harmoniste ne juge pas (moralement), tout au plus témoigne-t-il de ses propres choix (et donc de son éthique).
Comme nous l'avons vu, c'est une philosophie qui dissocie l'affectif du perceptif. C'est ainsi qu'elle repose sur deux piliers complémentaires : le cœur et la raison. Bertrand Russel, humaniste et père de la logique moderne, semble avoir eu l'intuition de cela (mais a peu théorisé dans ce domaine). Il écrivit « la vie bonne est une vie qu'inspire l'amour et que la connaissance guide ».

Mais passons sur ce point quelque peu théorique, pour comparer les prescriptions (bien réelles) de notre éthique avec celles ayant pignon sur rue actuellement, principalement issues du conservatisme religieux. Ces dernières sont toutes de type « comportementa­listes » : elles prescrivent un certain nombre de règles comportementales. L'harmonisme, nous l'avons vu détermine un objectif, c'est une éthique conséquentialiste, finaliste, ce qui laisse plus d'autonomie à l'individu.
De plus, ces règles peuvent toutes être contestées d'un point de vue harmoniste.
Passons sur les règles purement idéologiques (sources de sectarisme), comme les quatre premiers commandements judéo-chrétiens. On retrouve souvent les règles suivantes, qui semblent moins discutables : ne pas voler, ne pas tuer, ne pas mentir etc.
L'exemple donné par Constant dans sa controverse avec Kant (philosophe partisan d'une éthique comportementaliste) est assez éclairant. Kant soutient que par respect du principe éthique « ne pas mentir », si un homme poursuivi par des malfrats cherchant à l'assassiner, se réfugie dans un placard à côté de moi, et que les malfrats me demandent où il se trouve, je devrai leur indiquer où il se trouve, le condamnant ainsi à mort. L'harmoniste optera, ici, pour le mensonge (afin de sauver une vie innocente).
Même le principe « ne pas assassiner » peut être discuté. Si un sniper est en train de mitrailler une foule et que j'ai la possibilité de l'abattre, il peut être souhaitable de l’abattre, là encore, afin de sauver un maximum de vies innocentes...
On peut encore justifier un cas où il serait souhaitable de voler à des riches pour donner à des pauvres. Reste cependant que dans la plupart des cas la quête de l'harmonie se traduit par le respect de ces principes traditionnels. Ils peuvent donc servir de garde-fou : inviter à se questionner plus fortement sur la validité de notre action si elle enfreint un de ces principes. Ils ne constituent donc pas, pour un harmoniste, des interdictions mais tout au plus des aides à la prise de décision.

Certes, si tous les chrétiens, bouddhistes et autres musulmans, appliquaient réellement leur éthique, le monde irait sans doute mieux, mais il irait encore bien mieux, s'ils pratiquaient l'harmonisme (du fait des imperfections de leurs règles comportementales). Et il n'est pas impossible que cela soit même plus facile à obtenir (il est plus humain de poursuivre un objectif compréhensible, que de se plier à des précepts rigides).
On remarquera que les principes éthiques traditionnels sont essentiellement constitués d'une liste d'interdictions. Ce sont des principes négatifs. En ce sens, ils sont moins exigeants. Ils reviennent, dans le meilleur des cas, à ne pas faire le malheur d'autrui. L'harmonisme invite à faire son bonheur (dans la mesure du possible, bien entendu). Il détermine surtout un objectif commun. Or, les pratiques négatives que sont le vol, la tromperie etc. sont la conséquence de divergences d'intérêts. Ainsi, l'harmonisme, en déterminant un intérêt commun, agit à la racine des problèmes. Il rend inutiles les interdictions et plus généralement, la contrainte, même morale. Si l'on poursuit spontanément et avec enthousiasme un objectif commun, il n'y a aucune raison de se tromper mutuellement, de se nuire etc. au contraire !
À ce sujet, on peut être tenté d'évoquer la fameuse maxime chrétienne : « aime ton prochain comme toi-même ». Mais là encore, cette injonction risque de manquer d'efficacité, car il est difficile d'aimer lorsque l'on a des intérêts divergents, et cet amour risque de ne pas réellement se traduire par beaucoup plus d'harmonie. On peut également ergoter sur l'opportunité d'aimer autrui « comme soi-même ». Cela signifie-il qu'on va le traiter de la même façon que nous-mêmes alors que nous n'avons pas forcément les mêmes besoins ? Et si l'on ne s'aime pas soi-même, ça donne quoi ?
Le principe harmoniste correspondant consiste, en plus d'éprouver effectivement de la sympathie pour autrui, à ne pas se favoriser par rapport à lui sans raison objective particulière (pour le bien commun). C'est tout de même beaucoup plus précis et concret. Cela pourrait donc avoir des effets plus manifestes sur l'état du monde...
De plus, lorsque l'on parle d'aimer autrui, on ne dit rien sur les choix à faire entre les différentes personnes : bref, ça ne va pas très loin ! Pire, on s'oppose souvent à un tel choix, ce qui relève d'une certaine lâcheté : on ne peut pas ne pas choisir : de fait, on favorise alors quelqu'un. L'harmonisme quant à lui donne un moyen de choisir. Il propose d'opter pour ce qui accroît le plus le bonheur total. Cela implique d'évaluer, pour chaque action, un accroissement de bonheur (ou réduction de souffrance) par son intensité, sa durée, son étendue (nombre de personnes concernées), sa probabilité, son imminence etc. On retrouve là l'utilitarisme classique. Cette évaluation n'est certes pas toujours évidente, mais il y a des cas où elle l'est, ce qui constitue un progrès. Lorsqu'elle ne l'est pas, c'est donc que l'on peut choisir au hasard (du fait de probabilités équivalentes). Une éthique n'est pas censée conférer des pouvoirs de voyance. Cette éthique conduit d'ailleurs à choisir une façon d'agir plutôt qu'une autre, là où d'autres se réjouiront d'avoir fait « le bien » quelle que soit la nature de l'action. Ainsi, plutôt que se contenter de faire l'aumône on travaillera à une resocialisation de la personne (et bien sûr, à plus long terme, à une économie non génératrice d'injustice et d'exclusion !)

On pourrait être tenté par l'utilitarisme négatif qui consiste à se contenter de minimiser la souffrance. Ce choix présente cependant une faille. Il pourrait nous amener à supprimer toute vie sur terre. Ainsi : plus de souffrance ! Si, au contraire, on se donne pour objectif de maximiser le bonheur (ce qui sous-entend de réduire la souffrance), cette option est exclue : mieux vaut une vie heureuse que pas de vie du tout. Au contraire, on va augmenter le nombre de vies dans la mesure où l'on parvient à les rendre globalement heureuses (ce à quoi on va travailler).
Cette idée de favoriser « la vie », est également présente dans la plupart des cultures traditionnelles, comme par exemple dans le fameux « croissez et multipliez » de la bible(4). Le principe harmoniste présente une différence notable : cette croissance ne peut se faire qu'à la condition que le bien-être soit effectivement au rendez-vous pour chaque nouvelle vie. Or, de fait, ce ne peut être le cas si l'on est trop nombreux, puisque les ressources seront insuffisantes (elles ne sont pas indéfiniment extensibles). Ce principe nous conduit donc à la plus grande population possible, en harmonie avec l'environnement et les possibilités techniques et humaines, là où les principes dogmatiques traditionnels conduisent à une croissance aveugle, et donc, à une misère et une auto-extermination probables.

Une autre limitation des approches traditionnelles concerne le système économique. Celles-ci s'inscrivent dans le cadre d'un système qui gagnerait à être remis en cause afin d'accroître sensiblement l'harmonie. Ainsi, l'interdiction du vol présuppose le droit de s'approprier. L'harmonisme, puisqu'il implique une focalisation sur le bien commun, condamne l'appropriation, en tant qu'identification égotique et pouvoir hiérarchique. De plus, la possession exclusive réduit le bonheur total par une sous-utilisation des biens, sans même parler de l'aggravation considérable de la compétition et de l'égoïsme qui en résulte. Bien sûr, dans le cadre d'un système fondé sur l'égoïsme, l'interdiction du vol est un moindre mal, mais le fait de la mettre en avant sans dénoncer l'appropriation contribue à perpétuer un tel système.
Les mouvements religieux ayant rejeté l'appropriation sont rares (mazdakisme, hutterisme), ou alors ils ne l'ont rejetée que dans le cadre très spécifique des monastères.
Quant au marxisme, il est très éloigné de l'harmonisme : il prône une lutte entre groupes humains ! Il s'agit, de plus, d'une philosophie religieuse (croyance en un sens de l'histoire), sans véritable innovation éthique. En pratique, il s'est généralement traduit par l'implantation d'une hiérarchie, d'où des dérives tyranniques.
Reste la mouvance anarchiste, dont certains éléments n'ont pas prôné la lutte, mais seulement l'explication et l'action non-violente. C'est le cas du fameux géographe Élisée Reclus, qui écrivit : « On pourrait nous dire "libertaires", ainsi que plusieurs d'entre nous se qualifient volontiers, ou bien "harmonistes" à cause de l'accord libre des vouloirs qui, d'après nous, constituera la société future ». Il avait bien compris qu'une plus grande harmonie nécessitait l'abolition des pouvoirs hiérarchiques, qu'une morale est possible qui ne repose pas sur la contrainte ou la mystification.
L'harmonisme est une telle « morale »...

(1) Un exemple extrême est l'incitation au meurtre dans certaines religions, par Dieu lui-même ! .
« Si ton frère(…) t'incite secrètement en disant: Allons, et servons d'autres dieux (…) tu ne le couvriras pas. Mais tu le feras mourir; ta main se lèvera la première sur lui pour le mettre à mort, et la main de tout le peuple ensuite » Deutéronome1 13.7-10 (Bible)
« Ne prenez donc pas d'alliés parmi eux [les "mécréant"], jusqu'à ce qu'ils émigrent dans le sentier d'Allah. Mais s'ils tournent le dos, saisissez-les alors, et tuez-les où que vous les trouviez» Sourate IV verset 89 (Coran)
On peut certes interpréter ces propos comme devant se limiter à un moment donné de l'histoire, mais quitte à sacraliser un texte, ne pourrait-on mieux le choisir ? Quitte à lui attribuer une origine divine, ne pourrait-on en trouver un exempt de propos aussi tristement humains ? Il se fait également que l'intolérance religieuse est bien réelle et s'est traduite par de nombreuses victimes, au cours de l'histoire..

(2) Il semble qu'il y ait des raisons historiques à cela. L'utilitarisme est souvent assimilé à son promoteur initial Jérémy Bentham. Or, celui-ci l'évoquait non pas comme une éthique personnelle mais juridique, au service d'un État, présupposant un comportement égoïste des individus. De plus, Bentham était un partisan du « libéralisme économique », où les comportements égoïstes sont supposés bénéfiques à l'intérêt général (conformément à la théorie de la « main invisible » de son ami Adam Smith). D'où la confusion...

(3) Cette solution n'est pas celle de Rawls pour autant, qui, tout comme Bentham, raisonne dans le cadre d'un système capitaliste, ce qui limite considérablement les possibilités.

(4) Cette expression se trouve certes dans la genèse accompagnée de « remplissez la terre » : on pourrait considérer que maintenant, elle est remplie.... mais l'attitude concrète de la plupart des religions s'oppose à toute forme de contrôle réaliste des naissances, au nom d'un respect de lois « naturelles » ou d'un caractère sacré de « la vie »...

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