On entend souvent dire qu'il suffirait que les gens respectent les « dix commandements » pour que les choses aillent mieux. Je doute que les gens qui disent ça se rendent compte du caractère quelque peu "archaïque" de ces commandements.
Petit rappel des dix commandements judéo-islamo-chrétiens, sous une forme abrégée :Il s'agit là de la version biblique originelle (la parole de Dieu, si l'on en croit Moïse, évidemment).
Ne pas faire d'images implique l'interdiction non seulement de la peinture ou sculpture figuratives, mais encore du cinéma et de la photographie !
Certains musulmans respectent encore ce principe (d'où la destruction des Bouddhas de Bâmiyân).
Les catholiques ont plus ou moins supprimé ce commandement (en dédoublant le dernier pour maintenir le nombre).
Reste que l'on peut raisonnablement s'interroger sur l'intérêt fondamental pour résoudre les problèmes de l'humanité qu'il peut y avoir à ne pas travailler le jour du seigneur, à vénérer un dieu unique (le bon), et surtout, à ne pas prononcer son nom plus que nécessaire... Nombre de gens respectant ces principes ne manquent pas de nuire à leurs semblables et à la planète. À l'évidence, les quatre premiers commandements sont purement idéologiques (tout comme les cinq piliers de l'Islam). Ils servent une religion particulière, pas la paix dans le monde.
Honorer ses parents, au sens de respecter, est évidemment une bonne chose, mais pourquoi seulement eux ? La plupart des problèmes (guerres, discriminations etc.) découlent d'un manque de respect (et de solidarité) non pas envers les gens qui nous sont les plus proches, mais envers ceux qui nous le sont le moins (affectivement) ? Aimer les membres de notre famille est ce que l'on fait déjà le plus facilement et spontanément. Ce précepte n'a donc pas un très grand intérêt.
Les quatre commandements suivants sont par contre d'un intérêt plus manifeste. On les retrouve d'ailleurs dans pratiquement toutes les morales (en particulier dans les cinq principes bouddhistes et jaïns), pour des raisons évidentes de maintien de la sécurité et de la paix sociale.
Nous avons vu* cependant les limites que rencontre forcément une application dogmatique de ceux-ci (cas rares où ils ne sont pas compatibles avec l'accroissement du bonheur). Mais surtout, ils sont clairement insuffisants. Il ne faut pas tuer autrui ni le voler, mais on peut (si l'on se contente de ces commandements) le battre, le blesser, l'enfermer etc.
On ne peut pas mentir (faire de faux témoignages, du moins, dans la version originelle), mais on peut insulter, harceler, induire en erreur...
L'assistance à personne en danger ne fait pas non plus partie de ces préceptes...
Le dernier commandement se situe à un niveau plus intime : puisqu'il y est question de ne pas "convoiter". C'est une façon de prévenir plus radicalement le vol (et aussi l'adultère, la femme étant considérée comme un bien de son mari...)
L'interdiction de l'adultère est une prescription concernant les moeurs. On pourrait imaginer d'autres modes d'organisation sociale non fondés sur la famille patriarcale.
Ces règles morales émanent d'une société fondée sur l'égo et l'appropriation. Elles en diminuent quelque peu les méfaits (dans l'hypothèse où elles sont respectées), tout en en consolidant les fondements idéologiques. En supprimant le désir de posséder, on règlerait le problème d'une façon plus radicale... Mais cela impliquerait évidemment un véritable progrès moral.
Ces commandements sont loin d'être les seuls, dans la bible. Une tradition juive en recense 613. À l'inverse, la tradition chrétienne tend à les réduire à seulement deux :
On retrouve ici encore la dichotomie entre commandements idéologiques (le premier), et sociaux (le second). Le commandement idéologique est d'ailleurs privilégié (par sa position et sa longueur). À l'origine le terme « prochain » désigne le voisin, mais Jésus l'a interprété comme s'adressant à n'importe quelle personne que l'on rencontre, indépendamment de ses liens particuliers avec soi, ce qui constitue un net progrès.
On pourrait donc être tenté de se limiter à cet unique commandement humaniste : « Tu aimeras ton congénère comme toi-même. »
Même si, l'émotion aidant, ce principe moral peut séduire au premier abord, il pose plusieurs problèmes.
Un suicidaire pourrait tuer plein d'autres personnes, tout en respectant ce principe : s'il les aime comme lui-même ! La variante « ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse », ne résout pas ce problème.
Ensuite, à supposer que l'on aime effectivement (au sens de bienveillance), le fait est que l'amour ne suffit pas à résoudre les problèmes. Il y faut encore une certaine compétence, une certaine intelligence.
Enfin, on ne voit pas bien comment cet amour peut se manifester complètement et durablement dans le monde actuel où les divergences d'intérêt sont exacerbées, ni dans quelque monde réel que ce soit, où la "moralité" ne peut pas être également répartie (entre les individus). Si je décide unilatéralement d'offrir au premier venu tout ce qu'il me demande (biens et services), il va clairement y avoir des abus. Les moins égoïstes seront exploités par les autres (comme c'est déjà un peu le cas actuellement). La mise en pratique de ce principe exigeant débouche sur un équilibre instable, sauf à révolutionner complètement l'organisation sociale. Faire en sorte de réduire les conflits d'intérêts semble plus judicieux que prôner une hypothétique et héroïque générosité.
C'est bien à une telle concrétisation cohérente de l'amour universel que correspond le principe "harmoniste" suivant : « Tu accroîtras autant que possible et aussi équitablement que possible le bonheur de chacun ». C'est beaucoup plus précis... et réaliste (même si cela reste très exigeant et ambitieux par rapport au niveau éthique moyen actuel !)
On peut également faire une liste un peu plus longue, histoire d'aider à la réalisation de la chose. Voici donc (ci-dessous) une proposition de dix "commandements harmonistes" (le premier étant le plus fondamental, les autres contribuant à sa réalisation). Le terme "commandement" n'est évidemment pas à prendre au sérieux ici. Il s'agit seulement d'une aide pour quiconque souhaite pratiquer l'harmonisme rationnel.
Si vous trouvez des améliorations possibles (voire des failles), n'hésitez pas à nous les signaler. Ces principes nous semblent déjà bien plus performants et moins discutables que les précédents (et que toutes les autres listes à notre connaissance).
On remarquera qu'aucun des dix commandements judéo-islamo-chrétiens ne se trouve dans cette liste. Celle-ci englobe cependant les principes éthiques traditionnels qui présentent un intérêt, mais sans en avoir la rigidité. Ainsi, un harmoniste ne commettra pas de meurtre ni de faux témoignages, sauf dans les rares cas où cela se justifie (en vertu du premier commandement).
Le premier commandement harmoniste, ci-dessus étant quelque peu exigeant, on peut imaginer des variantes plus "réalistes". Ainsi, les prescriptions ci-dessous peuvent remplacer les premières de la liste précédente, ou s'y adjoindre. Elles correspondent à la prise en compte de certains réflexes* problèmatiques, tout en précisant un peu ce que l'on pourrait appeler l'harmonisme radical.
Sous une autre forme, voir la proposition de principes harmonistes
* Exemples de tendances fréquentes, pouvant poser problème :
Exemple d'émotions posant souvent problème
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