L'harmonisme rationnel

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Citation et diffamation

Voici un exemple qui illustre le fait que l'harmonisme rationnelle différe sensiblement de la morale actuellement dominante. Le but ici, bien sûr, n'est pas de se revendiquer comme une minorité qui serait "meilleure" que le reste de l'humanité, mais de faire en sorte que la morale "dominante" évolue, vers quelque chose qui induise plus d'harmonie, moins de conflits...
La morale dominante est celle à laquelle le plus grand nombre, ou du moins, les institutions en place, adhèrent. Pour savoir ce qu'est la morale dominante, il suffit de se référer aux lois, aux sanctions effectivement données, en comparant leurs importances.

Aujourd'hui, relater des propos d'autrui d'une façon quelque peu biaisée n'est pas considéré comme "mal", ou alors, comme un mal négligeable par rapport au mensonge caractérisé. En tout cas, ce n'est pas pénalement répréhensible. Pourtant, cela est généralement nuisible.
C'est seulement si, ce faisant, l'on porte atteinte à la réputation de quelqu'un qu'une sanction est susceptible d'être exercée. On parle alors de diffamation*.
Pour exister, la diffamation ne nécessite d'ailleurs pas une présentation biaisée de la réalité. De plus, elle concerne la nuisance envers la personne dont on rapporte les propos (une nuisance a priori purement "conceptuelle", d'ailleurs), pas celle au bien commun (c'est-à-dire la nuisance moyenne à l'ensemble des personnes existantes). Ainsi, si vous dénoncez un escroc, pour l'éthique actuellement dominante, c'est mal (vous portez atteinte à son "honneur", et risquez d'être pénalement sanctionné); Tandis que pour un harmoniste rationnel ce sera généralement une bonne chose (puisque cela fait globalement plus de bien que de mal, compte-tenu du nombre de victimes potentielles de l'escroc).

Mais revenons au cas d'une déformation de la réalité pas forcément diffamatoire; On pourra objecter qu'il est difficile de reporter des propos sans les déformer.
En fait, ce n'est pas si difficile que ça : il suffit d'en faire une citation (aussi large que possible pour ne pas extraire des expressions de leur contexte). Cela suppose certes d'avoir de la mémoire, sauf s'il s'agit d'écrits dont on dispose... (un courrier que la personne nous a adressé, par exemple).
Et c'est là qu'apparaît encore une différence flagrante entre la morale dominante et l'harmonisme rationnel. Un harmoniste rationnel, sauf dans de rares contextes très particuliers et faciles à identifier, s'efforcera de faire de telles citations, plutôt que se contenter d'allusions vagues : respect de la vérité oblige. Or, ce faisant, il commet une faute grave au vu de la morale dominante. En effet, citer des propos "privés" sans l'accord de leur auteur est actuellement réprimé (trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende !)

On comprend d'où vient cette règle "éthique". Chacun pense : « si je dis quelque chose à Pierre sans vouloir que Paul sache que j'ai fait cela, je serais ennuyé que Paul vienne à le savoir (parce que Pierre l'aurait divulgué) ». Et donc, on applaudit à cette "interdiction". Mais l'on ne se pose pas alors la question de la moralité de notre action initiale: des raisons qui font que l'on ne souhaite pas que Paul nous entende. Or, très souvent, c'est qu'il y a médisance de notre part, ou encore que l'on essaie de manipuler les gens (en disant des choses différentes à chacun). Si ces propos étaient rendus publics, ces manoeuvres seraient dévoilées. Si chacun envisageait et assumait, avant de parler à quelqu'un, une possible divulgation de ses propos, ne soignerait-il pas mieux ceux-ci, les rumeurs, médisances et autres manipulations ne seraient-elles pas drastiquement réduites ?
Bien sûr, il peut y avoir des cas où le caractère privé des propos est souhaitable (si l'on ne souhaite pas être surveillé par un état totalitaire que l'on combat, par exemple). Mais précisément, l'éthique actuelle ne fait pas la différence... Elle protège le "privé", l'ego en tant que tel, c'est bien là son objectif ultime, pas la lutte contre la tyrannie. L'harmonisme rationnel, lui, s'intéresse au bien commun, ce qui constitue une différence fondamentale.
Justifier cette interdiction de citation par l'éventualité d'un état totalitaire, par exemple serait incorrect. Il suffit dans ce cas, d'éviter toute forme de centralisation des données, de surveillance par une hiérarchie, sans pour autant créer une règle éthique. Et bien sûr, il importe de prévenir l'existence d'un état totalitaire, ce en quoi s'emploira tout harmoniste rationnel. Une règle morale ne saurait se justifier par une utilité dans un contexte donné, elle doit être jugée dans sa généralité, et être toujours bonne.
Il est bien évident qu'un harmoniste rationnel ne va pas systématiquement divulguer les propos qu'on lui tient en privé, et que si l'idée de faire cela lui vient à l'esprit, il va souvent demander à leur auteur ce qu'il en pense, car ce dernier avait peut-être une bonne raison de ne pas publier ses propos. Mais il ne considère pas que ces propos appartiennent à qui que ce soit, pas plus que n'importe quel évènement ayant lieu dans l'univers. En tout état de cause, ce qui ici importe, du point de vue harmoniste est s'il y a bienveillance ou, au contraire, malveillance (de la part du locuteur), si les propos sont fidèles à la réalité ou pas.

Donc, résumons. Pour un harmoniste rationnel, il est préférable de citer des propos de façon juste plutôt qu'approximative. Pour un adepte de l'éthique actuellement dominante, l'approximation est souvent préférable car les propos (non publics) de quelqu'un sont comme une propriété privée : il faut demander sa permission.
Pour un harmoniste rationnel, l'objectif ultime est le plus grand bien-être possible en commençant par celui des plus défavorisés, pour un adepte de l'éthique actuellement dominante, c'est le respect de l'image, de l'honneur, du droit à la dissimulation et de ce à quoi une personne donnée s'identifie (indépendamment de la nature de ce qu'elle fait et de ce à quoi elle s'identifie). Cette éthique est séduisante car forcément confortable pour pouvoir faire impunément tout ce que l'on veut, et en particulier, ce qui est le plus immoral (car il n'est généralement pas nécessaire de se cacher pour faire des choses morales). Mais peut-on, alors, vraiment parler de morale (à propos de cette mesure de "protection") ? Ne serait-ce pas plutôt une protection contre la morale ? Une pure réaction défensive de l'égo (en particulier contre une éventuelle culpabilité) ?

* Diffamation: l'allégation ou l'imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé. À noter que la diffamation ne prend pas en compte la véracité des faits (si les faits sont faux, on parle alors de calomnie).
En droit français, existe le concept d'exception de vérité, mais... L’exception de vérité est rarement admise à cause de la procédure stricte qu’elle implique, comme la présentation de la preuve dans les 10 jours, et à cause de ses propres exceptions.
Cette preuve n’est d’ailleurs acceptée par le juge que si elle « est complète, parfaite et corrélative aux diverses imputations formulées, dans leur matérialité et leur portée » (source).

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